Dissonance cognitive et sentiment d’impuissance

Lorsque mon modèle du monde est challengé, il provoque dissonance cognitive et sentiment d’impuissance. Signe que mon identité est bousculée. Qualité de conscience et principes transgénérationnels sont des clés.

Manhattan depuis l’observatoire de l’Empire State Building - prise de hauteur et réflexion - photo de Tremeur Balbous
Manhattan depuis l’observatoire de l’Empire State Building - prise de hauteur et réflexion

Dans les dernières semaines, j’ai porté une attention particulière à ce qui apparaissait pour moi comme des anomalies dans mon modèle du monde.

Je me suis observé naviguer dans cette expérience, dans ces moments où s’entrechoquent des idéaux, des actions quotidiennes, des moments de confort, de joie et aussi de désespoir. J’ai notamment porté attention au lien entre dissonance cognitive et sentiment d’impuissance.

Si, comme évoqués dans les articles précédents, dont « Cohérence sclérosante », de notre pensée naissent les concepts, systèmes et organisations que nous élaborons, quelle manifestation cela a-t-il dans mon quotidien ?

Celui-ci, dans les dernières semaines, a été riche de moments challengeant. J’ai voyagé à nouveau en avion, j’ai travaillé sur des concepts qui me bousculent et révèlent mes limites, j’ai passé du temps en famille à New York.

Un bombardement d’anomalies, de moment de dissonance, de « reality check ». J’ai vécu des dilemmes importants par leur intensité et les aspects qu’ils touchent.

L’expérience n’est pas toujours agréable et elle est très riche.

Cette prise de recul par rapport aux activités habituelles du quotidien m’a permis d’observer qu’à bien des égards, mes schémas mentaux et comportementaux sont assez figés. Certains aspects semblent profondément enracinés, si j’ose utiliser cette image.

Pour une personne qui travaille dans le changement, c’est un comble.

Cela m’a aussi permis de mettre en lumière 3 espaces distincts : individuel, collectif ou relationnels et systémique.

  • Dans l’espace individuel, je peux m’interroger sur ma responsabilité personnelle, mon intégrité.
  • Dans l’espace collectif, je peux explorer mes relations, la générativité de la coaction.
  • Dans l’espace systémique, je peux tenter de percevoir les dynamiques en jeu.

Dans tous les cas, mon modèle du monde contribue à former tout cela.

Je réponds à la réalité que je crée.

Une réalité plurielle

La fascination.
En haut du One World Trade Center, je me suis laissé saisir par la fascination d’une forme de puissance humaine. Quelles sont toutes les pensées qui ont permis d’obtenir un tel résultat ?

Le questionnement.
Vu de là-haut, à quoi ressemblera ce gigantesque étalement de constructions humaines qui abrite tout un écosystème humain lorsque l’énergie qui le nourrit s’épuisera ?

Le désespoir.
En voyant les milliers d’autres touristes, mélangés aux habitants, je n’ai pu échapper à ce moment où le désespoir me gagne. Lorsque je me vois là, que j’observe toutes les constructions en cours, je me dis que nous n’arriverons jamais à faire les changements nécessaires pour remédier à nos atteintes à l’écosystème planétaire.

Le sentiment d’impuissance.
Mais que puis-je faire ? Quelles forces individuelles et collectives peuvent rivaliser avec ce qui m’apparaît alors comme une puissance systémique implacable ? Un sentiment d’impuissance m’envahit. Sentiment renforcé par le fait d’être là et de contribuer moi-même.

La beauté.
Vu du 100e étage, à 382 m du sol, sous le soleil, il y a de la beauté à contempler ce paysage. Ça change radicalement des espaces sauvages et majestueux en montagne, c’est une autre forme de beauté. Ce que provoque cette vue, en termes d’expérience, me touche.

L’espoir.
L’espoir que si nous avons été capables de créer des systèmes d’une telle imbrication, nous avons les capacités de créer les éléments nécessaires à un futur florissant. Je ne parle pas ici de technologie, mais de l’ensemble des éléments, la technologie n’en étant qu’un exemple.

Chaque fois, en fonction de sensations, des émotions et sentiments présents, j’observais mes pensées.

C’est un moment déstabilisant.

Créer la dissonance et le sentiment d’impuissance

La dissonance cognitive, terme introduit par le psychologue Leon Festinger, désigne l’inconfort psychologique ressenti lorsqu’une personne est confrontée à des informations contradictoires ou à des croyances incompatibles.

Et comme je l’ai évoqué, nous vivons dans un monde parsemé d’anomalies, ces situations où nos actions et nos croyances sont en contradiction avec les enjeux du monde actuel.

Le sentiment d’impuissance se manifeste par une incapacité à agir, à prendre des décisions ou à envisager des solutions pour surmonter les défis auxquels nous sommes confrontés. Or, comme l’a souligné le psychologue Martin Seligman, cette impuissance peut avoir des conséquences néfastes sur notre bien-être et notre engagement envers le monde.

Ce qui est déstabilisant, c’est de saisir que cette réalité plurielle est ma seule création. C’est uniquement mon interprétation d’une immensité de stimuli, de réactions, de mémoires, de projections, de fragments d’idée, de liens ou d’approximations.

Comparer un idéal imaginaire à un imaginaire de la « réalité » est finalement bien étrange. Ce qui est encore plus étrange, c’est d’être surpris qu’ils ne se correspondent jamais.

Ces dernières semaines m’ont permis de prendre encore plus conscience de cela.

Cette dissonance, et le sentiment d’impuissance que je peux sentir, ne sont alors qu’une interprétation d’un « quelque chose ressenti », vécu de façon désagréable, que j’aimerais fuir au plus vite, sans y voir d’issue dans le moment, et projetant une solution longue ou incontrôlable ou difficile.

La boucle se crée et le piège se referme.

M’observer en prendre conscience ne résout en rien ce que je vis. Cependant, cela m’ouvre une nouvelle panoplie de choix dans les espaces individuels, collectifs et systémiques.

  • Dans l’espace individuel : conscientiser mon interprétation et envisager de multiples alternatives.
  • Dans l’espace collectif : reconnaître avec les autres que l’histoire que l’on crée ensemble n’est qu’une histoire et, dans le même temps, qu’elle est notre histoire, notre liant.
  • Dans l’espace systémique : expliciter les limites que je donne au système que je regarde et y inclure mon système de pensée comme composante significative à sa construction.
Cultiver la qualité de conscience, un phénomène régénératif
Photo de Skyler Ewing sur Pexels

Cultiver la qualité de conscience

Le principe des 7 générations, déjà évoqué dans « Générations de pensées », est une philosophie autochtone selon laquelle chaque décision que nous prenons doit être guidée par la considération de ses impacts sur les sept générations futures. Cette approche me semble être une réponse adaptée pour transcender la dissonance cognitive et le sentiment d’impuissance, en m’incitant à réfléchir à long terme et à agir en faveur d’une humanité florissante, dans les différents espaces mentionnés précédemment.

Ce principe est lui-même une construction. Il me semble nécessaire, mais pas suffisant.

L’empathie, quant à elle, nous aide à comprendre les points de vue des autres, à nous mettre à leur place et à ressentir leurs émotions. Elle est un élément clé pour développer une vision globale des problèmes et pour engager des actions solidaires et collectives.

Ce principe est lui-même une construction. Il me semble nécessaire, mais pas suffisant.

Une pensée cohérente avec une orientation explicite qui est intégrée vient aussi nourrir cette recherche de qualité de pensée.

En réalisant à quel point ma pensée influence mon expérience du monde, je me vois tenter d’imposer à toutes et tous ma nouvelle vérité. Et encore une fois, même avec la meilleure intention du monde, je retombe dans le même piège en oubliant rapidement cette dimension construite de ma réalité, pas de LA réalité.

Je crois que l’idée même de cultiver notre qualité de conscience peut-être déstabilisante et salvatrice. Je m’aperçois que reconnaître la qualité de conscience de chacun, sa propre cohérence est en train de faire bouger des fondamentaux de mon identité.

Certains modèles du monde me font réagir positivement, certains négativement, et d’autres violemment.

Remettre en question ma qualité de conscience ou ma qualité de pensée m’oblige à rendre explicite ce que je valorise et reconnaître l’ampleur des exclusions que je fais à chaque délimitation d’un concept.

Finalement, cultiver la qualité de conscience revient à remodeler mon identité en lien avec le collectif et les systèmes.

Pour résumer

En me plongeant dans cette expérience, en m’observant hors du quotidien habituel, j’ai exploré le lien entre la dissonance cognitive et le sentiment d’impuissance. J’en retiens que :

  1. Ma réalité est plurielle et mon modèle du monde façonne significativement mon expérience quotidienne.
  2. Explorer ma dissonance cognitive et mon sentiment d’impuissance révèle et transforme mon identité et la notion même d’identité.
  3. Il me semble vital de cultiver la qualité de conscience pour transcender ces défis et agir en faveur d’une humanité florissante, en utilisant notamment le principe des 7 générations et l’empathie comme guides.

Quels sont les éléments de votre propre modèle du monde qui pourraient être remis en question afin de créer un espace plus générateur pour vous-même et pour les autres autour de vous ?